Les directives données par les organismes de santé publique pendant la pandémie de la COVID-19 ont radicalement modifié le secteur du sport, amenant de nombreux décideurs sportifs à reconsidérer ce que fait leur organisme et comment il le fait. Bien que l’on ne connaisse pas encore toute l’ampleur des répercussions à court et à long terme, certains organismes n’ont pas survécu. D’autres ont profité de cette période pour adapter leurs opérations, se développer et intégrer de nouvelles idées.
Le fait de documenter la façon dont les décideurs se sont adaptés à cette crise sans précédent donne de l’information importante sur la capacité d’adaptation des organismes de sport.
Pourquoi la capacité d’adaptation est-elle importante?
Pour s’adapter aux crises, les organismes de sport doivent se soumettre à un processus dynamique d’apprentissage, de modification et de prise de décisions réactive afin de répondre efficacement à un environnement changeant et imprévisible (Filo et coll., 2015). La capacité d’adaptation est la capacité des systèmes, des institutions, des humains et d’autres organismes à s’ajuster aux dommages potentiels, à tirer parti des opportunités ou à répondre aux conséquences (Pachauri et Meyer, 2014, p.118) et est étroitement liée au concept de résilience organisationnelle. Définie de manière générale, la résilience organisationnelle est le processus par lequel un organisme réagit à une période de stress ou d’incertitude et émerge de cette période difficile comme une organisation plus forte et plus ingénieuse (Gallopin, 2006; Vogus et Sutcliffe, 2007). Les adaptations sont les changements apportés par les organismes qui facilitent finalement le processus de résilience.
En raison des répercussions étendues et sans précédent de la COVID-19 sur le système sportif, notre équipe de recherche a cherché à examiner comment les organismes de sport de l’Ontario se sont adaptés à la pandémie afin de mieux comprendre la capacité d’adaptation et la résilience. Nous avons parlé aux représentants de plusieurs organismes de sport provinciaux (OSP) et organismes de sport communautaires (OSC) en mai 2020, période pendant laquelle les organismes étaient en train de s’adapter. Nous partageons ci-dessous quelques réflexions sur nos résultats et les répercussions associées.
L’adaptation est un processus fluide
Au début du mois de mars 2020, de nouveaux renseignements sur les mesures de santé publique et les programmes de réponse à la COVID-19 ont rapidement été communiqués. Certains décideurs sportifs ont réagi en fermant temporairement leurs programmes et leurs installations; en déplaçant les programmes à l’extérieur et en utilisant des équipements nouveaux ou différents pour réduire la probabilité de transmission; en mettant en œuvre des mesures supplémentaires d’assainissement, d’éloignement physique et d’autres mesures de santé et de sécurité; et en offrant différentes options aux membres pour socialiser et s’engager avec les organismes de sport. En adaptant leurs programmes sur la base des conseils de leurs organes directeurs et des services de santé locaux, les OSC ont découvert que l’adaptation n’était pas une activité ponctuelle, singulière ou linéaire. Au contraire, les adaptations faisaient partie d’un processus fluide qui impliquait une révision constante des directives et des connaissances antérieures pour répondre à l’évolution de la crise de santé publique.
Leçon n° 1 : Les décideurs des organismes de sport doivent faire preuve d’agilité, de souplesse et de créativité dans leur façon de s’adapter à un environnement volatile pour rester résilients.
Les organismes de sport sont redevables à de multiples systèmes et parties prenantes
Les OSC font partie du système sportif complexe du Canada et sont également redevables aux gouvernements municipaux et provinciaux/territoriaux dans lesquels ils opèrent. Ainsi, les OSC reçoivent des directives à la fois des entités sportives et gouvernementales.
Certains organismes de sport ont pu avoir accès à des subventions salariales et à des prêts fédéraux et/ou provinciaux en raison de la perte de revenus due à la pandémie. Certains ont également bénéficié de relations étroites avec leurs municipalités correspondantes. Par exemple, les décideurs des OSC pouvaient demander des arrangements directs ou facilement accessibles pour l’allègement du loyer des installations municipales. Les adaptations de ces organismes ont été soutenues par les relations avec les gouvernements municipaux.
Leçon n° 2 : Les décideurs en matière de sport doivent avoir une bonne compréhension de l’environnement dans lequel ils opèrent, y compris une connaissance des principaux systèmes et parties prenantes. La création et le maintien de relations solides avec les principales parties prenantes peuvent se traduire par un soutien à l’organisme dans les moments difficiles.
L’objectif de l’organisme est important
Alors que certains organismes de sport ont prudemment choisi de fermer complètement leurs portes, d’autres se sont adaptés en proposant des programmes virtuels (p. ex. des entraînements en ligne, des ligues de e-sports, des 5 à 7 informels, des clubs de devoirs). La mesure dans laquelle l’organisme adapte ses activités pour satisfaire les membres est déterminée par la façon dont les décideurs ont défini l’objectif de l’organisme.
Pour certains organismes de sport, le fait de fournir principalement des expériences sociales aux membres était la clé. Ces organismes ont pu poursuivre leurs activités en offrant à leurs membres d’autres possibilités de socialisation, avec ou sans programme sportif (exercice sur un appareil Peloton et vins et fromages virtuels, ça vous dit?). Les organismes qui offraient principalement des possibilités de loisirs et qui dépendaient de bénévoles ont souvent choisi de cesser leurs activités. Bien que cela signifie une interruption des programmes et la perte potentielle de membres, dans de nombreux cas, ces organismes ont couru peu de risques financiers. En revanche, les organismes de plus grande taille dont les activités sont professionnalisées étaient susceptibles de s’adapter et de s’engager auprès de leurs membres de manière créative et intéressante, en partie motivés par le besoin de satisfaire leurs membres et de maintenir leurs revenus.
Leçon n° 3 : Le fait d’avoir une vision clairement articulée de l’objectif principal d’un organisme a permis de simplifier et de prioriser la prise de décisions et l’adaptation. Les organismes de sport jouent de nombreux rôles autres que celui d’offrir des possibilités de participation au sport, de sorte que la réorientation vers des programmes non sportifs peut être une adaptation appropriée et productive.
Le choix du moment est important
Le moment choisi pour les adaptations a également été un facteur important. Le confinement initial a entraîné des mesures draconiennes, comme l’annulation de championnats provinciaux auxquels participaient déjà des athlètes. Les sports qui étaient dans leur saison morte en mars ont pu réfléchir, considérer et s’adapter de manière plus proactive. Le calendrier des saisons sportives était également pertinent pour les organismes possédant des installations multisports (p. ex. clubs de curling et de golf). Ces organismes n’étaient pas en mesure de repousser les saisons ou d’adapter les calendriers aussi facilement, en particulier pour les sports saisonniers qui dépendent de la météo.
Le moment de l’adaptation était particulièrement important lorsque des ressources étaient en jeu. Par exemple, l’annulation de tournois de collecte de fonds a été un coup dur pour les finances de nombreux organismes. Le choix du moment est donc lié à l’adaptation car il concerne la gestion financière et la possibilité qu’a (ou n’a pas) un organisme de s’adapter et de se rétablir.
Leçon n°4 : Chaque sport et chaque organisme aura des circonstances uniques basées sur le temps, le lieu, les ressources et les capacités. Les adaptations doivent refléter ces circonstances uniques. En particulier, les décideurs doivent être conscients de la façon dont le moment de l’adaptation et le caractère saisonnier de leur organisme auront une incidence sur les résultats de leurs adaptations.
L’année écoulée a été une formidable expérience d’apprentissage pour de nombreux organismes et décideurs. Les organismes – et en fait l’ensemble du système sportif – ont fait preuve de résilience à bien des égards. Ces processus sont liés aux adaptations, aux environnements complexes, aux identités et au calendrier. Alors que le secteur du sport continue à s’adapter et à s’efforcer de faire preuve de résilience, nous espérons que ces observations susciteront des réflexions chez les organisateurs sur la manière dont ils peuvent planifier et s’adapter à l’incertitude à l’avenir.