Résumé du projet
Au cours des dernières années, les chercheurs et les praticiens se sont de plus en plus efforcés de comprendre la façon dont les habiletés de vie (p. ex. leadership, maîtrise des émotions) acquises dans le sport peuvent être transférées et appliquées au-delà du sport. Ce projet visait globalement à élaborer une théorie à base empirique pour expliquer comment les athlètes appliquent dans la vie courante les habiletés qu’ils ont acquises dans le sport. La collecte de données s’est déroulée sur une période de 10 mois et comprenait des entrevues, des graphiques chronologiques, des calendriers et des journaux avec des athlètes universitaires intra-muros (n = 13) âgés de 18 à 24 ans (M = 21,77; ET = 2,2). Des agents sociaux (n = 29) jouant des rôles clés dans la vie des athlètes (p. ex. parents, colocataires, collègues de travail) ont été échantillonnés et interviewés. Dans l’ensemble, les conclusions du projet fournissent un appui empirique au processus de transfert des habiletés de vie. Plus précisément, les athlètes ont partagé de riches exemples de la façon dont ils ont acquis une vaste gamme de habiletés de vie dans le sport et ensuite appliqué ces habiletés à des situations autres que le sport (p. ex. au travail, dans leurs relations et à la maison). La théorie de fond qui en découle suggère que l’application des habiletés de vie comporte quatre étapes : a) la prise de décisions, b) l’application des habiletés de vie, c) l’évaluation de l’application des habiletés de vie et d) l’adaptation. Enfin, les conclusions actuelles ont d’importantes implications pratiques pour les dirigeants du sport pour les jeunes (p. ex. entraîneurs, administrateurs de programmes) qui cherchent à faire en sorte que leurs athlètes appliquent plus facilement dans la vie courante les habiletés acquises dans le sport.
Méthodes de recherche
Une méthode fondée sur une théorie à base empirique a été utilisée (Corbin et Strauss, 2015). La collecte des données s’est déroulée sur une période de 10 mois et incluait : a) des entrevues individuelles semi-structurées, b) des graphiques chronologiques, c) des échéanciers et d) la tenue de journaux. Au total, 67 entrevues ont été menées (38 entrevues avec des athlètes, 29 avec des agents sociaux). Les athlètes (7 hommes et 6 femmes) âgés de 18 à 24 ans (M = 21,77; ET = 2,2) ont été interviewés à plusieurs moments. Les agents sociaux (9 hommes et 20 femmes) âgés de 19 à 58 ans (M = 31; ET = 13,4) ont participé à une seule entrevue. Les agents sociaux étaient soit un collègue de travail (n = 4), un superviseur au travail (n = 2), un ami (n = 5), un colocataire (n = 4), un camarade de classe (n = 4), un parent (n = 8) ou un partenaire (n = 2). Les graphiques chronologiques présentaient un résumé détaillé de l’historique de la participation sportive des athlètes. Pour chaque saison sportive, les athlètes ont documenté a) l’âge, b) la durée de la saison, c) le contexte, d) le niveau, e) l’intensité (c.-à-d. le nombre de séances d’entraînement/de parties par semaine) et f) la fréquence (c.-à-d. toujours, parfois, rarement). En se basant sur leurs antécédents de participation à un sport, les athlètes ont tracé leurs expériences d’apprentissage des habiletés de vie dans leurs échéanciers. En tout, 46 graphiques (24 pouces sur 36 pouces de long) ont été obtenus. Enfin, la tenue d’un journal a été utilisée sur une période de trois mois pour permettre aux athlètes de consigner leurs expériences continues concernant l’application dans la vie courante des habiletés qu’ils croyaient avoir acquises dans le sport. Un total de 69 entrées de journal ont été recueillies; chaque athlète a écrit de trois à huit entrées (M = 5,31).
Résultat de la recherche
Dans l’ensemble, les conclusions de ce projet mettent en lumière la façon dont les athlètes croient avoir mis en pratique les habiletés qu’ils ont acquises dans le sport, et ce, dans des situations professionnelles, à l’école et dans le milieu de travail. Dans le cadre de la théorie de fond, l’application des habiletés de vie est conçue comme un processus continu qui comporte quatre étapes : a) la prise de décisions, b) l’application, c) l’évaluation et d) l’adaptation. Lorsqu’un athlète se retrouve dans un contexte qui va au-delà du sport, il peut avoir des occasions d’appliquer certaines des habiletés de vie qu’il a acquises ou perfectionnées dans le sport et de créer ainsi une intention d’appliquer une telle habileté. Plus précisément, les conclusions ont indiqué comment la décision consciente des athlètes d’appliquer les habiletés de vie était façonnée par leurs atouts personnels (p. ex. la confiance dans l’application des habiletés de vie, le soutien par les agents externes) et leurs interactions avec les caractéristiques du contexte de l’application (p. ex. les règles, les normes, la culture). Lorsque l’athlète a pris la décision d’appliquer une habileté de vie au-delà du sport, il applique cette habileté. Après avoir appliqué l’habileté, l’athlète évalue son rendement en matière d’application de l’habileté pour ce qui est de la capacité de produire des résultats positifs pour lui-même et pour le contexte dans lequel il évolue. Enfin, le simple fait d’essayer d’appliquer une habileté permet à l’athlète d’acquérir de nouvelles connaissances sur les exigences requises pour appliquer avec succès des habiletés de vie en dehors du milieu sportif. L’athlète peut utiliser ces connaissances pour adapter (au besoin) les tentatives futures d’application des habiletés de vie afin d’accroître la probabilité de produire des résultats positifs pour la personne et le contexte.
De plus, les conclusions de ce projet ont d’importantes implications pratiques. Premièrement, elles démontrent que les athlètes doivent percevoir les occasions, les récompenses ou les besoins d’appliquer les habiletés de vie avant de pouvoir créer une intention d’appliquer leurs habiletés de vie. Ainsi, avoir la possibilité d’appliquer les habiletés de vie au-delà du sport représente un facteur clé du processus de transfert des habiletés de vie. Sur le plan pratique, les dirigeants du sport pour les jeunes (p. ex. entraîneurs, instructeurs de programmes) sont encouragés à établir des liens et à collaborer avec les enseignants et les parents pour créer des situations ou des occasions où les athlètes peuvent appliquer dans la vie courante les habiletés qu’ils ont acquises dans le sport. Par exemple, un entraîneur de basket-ball peut enseigner à ses athlètes les techniques de fixation d’objectifs dans le sport en leur demandant de fixer des objectifs pour l’entraînement et la compétition. Pour encourager les athlètes à se fixer des objectifs au-delà du sport, l’entraîneur peut collaborer avec les parents et les enseignants pour créer des plans d’établissement d’objectifs à la maison et en classe. Deuxièmement, les conclusions soulignent comment la capacité des athlètes d’appliquer avec succès les habiletés de vie en dehors du sport est fortement influencée par les ressources (p. ex. connaissances, expériences, réseaux) dont ils disposent dans le domaine non sportif dans lequel ils évoluent. Par conséquent, les entraîneurs sont encouragés à consacrer du temps pendant les séances d’entraînement ou les réunions d’équipe pour faire en sorte que les athlètes discutent de leurs expériences liées à l’application dans la vie courante des habiletés qu’ils ont acquises dans le sport. En réfléchissant à leurs propres expériences d’application des habiletés de vie et en étant exposés à celles de leurs pairs, les athlètes peuvent potentiellement accroître leur compréhension de la façon d’adapter leur comportement et d’appliquer avec succès les habiletés de vie au-delà du sport.
Pour ce qui est des limites, la théorie a été élaborée au moyen de l’expérience d’athlètes âgés de la fin de l’adolescence et du début de la vingtaine qui avaient terminé l’université ou y étaient inscrits et qui disposaient généralement de solides réseaux de soutien social. Par conséquent, la théorie peut ne pas être représentative de l’expérience des athlètes qui sont à d’autres étapes de leur vie, principalement des athlètes sans formation universitaire ou des athlètes ayant de mauvais systèmes de soutien social.
Incidence par rapport aux politiques et aux programmes
Il est particulièrement important d’étudier le processus de transfert des habiletés de vie du sport à la vie courante compte tenu des principes fondamentaux de la Politique canadienne du sport (2012), à savoir le développement personnel, le respect et l’esprit sportif. Les conclusions du projet actuel mettent en lumière la façon dont le sport organisé peut favoriser le développement personnel et social des athlètes par l’apprentissage et le transfert de principales habiletés de vie. Toutefois, nos conclusions montrent également que le transfert des habiletés de vie est un processus complexe qui se produit au fil du temps. Afin de promouvoir le transfert réussi des habiletés de vie du sport à la vie courante, les dirigeants du sport pour les jeunes sont encouragés à intégrer des stratégies dans leur plan d’encadrement pour enseigner délibérément aux athlètes les habiletés de vie dans le cadre du sport ainsi que les façons dont ces habiletés peuvent être appliquées au-delà du sport.
Prochaines étapes
La présente étude constitue une tentative préliminaire de déterminer certains des facteurs clés du processus de transfert des habiletés de vie. Pour aller de l’avant et mieux comprendre le transfert, il sera important d’explorer d’autres facteurs déterminés dans la documentation (p. ex. la satisfaction des besoins de base, la similarité du contexte) qui peuvent influer sur le processus de transfert des habiletés de vie.
Application des connaissances
- Association canadienne des entraîneurs : Ce projet de recherche offre aux entraîneurs sportifs de jeunes des principes clés, par l’entremise de la théorie de fond, qu’ils peuvent prendre en considération lorsqu’ils tentent de promouvoir le développement de leurs athlètes dans le sport et au-delà.
- Sport scolaire Canada : Les conclusions de ce projet de recherche illustrent comment la participation au sport (y compris le sport scolaire) peut favoriser le développement de habiletés de vie qui peuvent être transférées et aider les athlètes à réussir dans des situations au-delà du sport