Faire le lien entre les générations : Comment l’activité physique rapproche les enfants et les personnes âgées

Tout est parti d’une idée simple : une banderole avec les mots « Vous êtes aimés ».  

Au cœur de Grand Falls-Windsor, à Terre-Neuve-et-Labrador, une transformation subtile est en train de s’opérer. Danielle LeDrew, enseignante à l’école primaire de Woodland, animée d’un enthousiasme débordant, a réuni les jeunes et les moins jeunes dans le cadre d’un programme intergénérationnel qui fait autant appel à l’empathie qu’à l’exercice.  

« Kingsway Living [maison de retraite] se trouve à une vingtaine de marches de notre école primaire, dit à la blague Mme LeDrew. C’était l’occasion rêvée d’enseigner à nos élèves des leçons d’empathie et de compassion. » 

Mme LeDrew et ses élèves de 3e année ont commencé à tisser des liens avec les résidents de Kingsway en 2019, juste avant la pandémie de la COVID-19, en fabriquant une banderole géante disant « Vous êtes aimés », qu’ils ont accrochée à l’extérieur de la maison de retraite.  

À partir de là, pendant les périodes de confinement où aucun contact n’était autorisé, les enfants ont continué à participer à des activités en plein air, comme une parade d’Halloween et des concerts de Noël. Mais Mme LeDrew avait de plus grands rêves.  

C’est alors qu’elle a eu l’occasion de demander une subvention d’Équipe Canada pour la Journée olympique de 5 000 $, destinée aux écoles canadiennes, dans le but d’encourager les élèves à faire du sport et à continuer d’en faire. Grâce à cette subvention, elle a su qu’il était temps de faire passer le programme au niveau supérieur.  

« La subvention nous a donné l’occasion d’ajouter de l’activité physique à nos visites, dit-elle. La subvention n’a pas seulement apporté des fonds, mais aussi un discours de motivation de la part d’un athlète d’Équipe Canada. C’était le moyen idéal de donner de l’énergie aux élèves et aux personnes âgées. » 

Quelques années plus tard, avec l’aide de Samara, la directrice des loisirs de Kingsway, ce programme s’est transformé en un rendez-vous hebdomadaire rempli d’activités physiques et de liens sincères. Mme LeDrew ne se doutait pas qu’un geste se transformerait en un programme qui relie désormais les générations grâce au pouvoir du jeu. 

« Les enfants et les résidents ont beaucoup à apprendre les uns des autres, explique Samara. Tout le monde repart avec une meilleure humeur et un plus grand bonheur. Le programme permet à chacun de rester physiquement actif et mentalement engagé. C’est un programme parfait pour les enfants et les personnes âgées. 

Les programmes intergénérationnels (PIG), qui existent depuis plus de 40 ans dans plusieurs pays, peuvent prendre de nombreuses formes, qu’il s’agisse d’événements ponctuels ou d’activités permanentes, et sont souvent axés sur le partage de compétences, de connaissances ou d’expériences. Ces programmes visent à favoriser la compréhension et l’appréciation, en aidant les participants à reconnaître la valeur de la sagesse et des perspectives de chacun. Ils construisent des réseaux sociaux et des amitiés tout en abordant des défis sociaux plus larges, tels que les problèmes de santé qui affectent les adultes plus âgés. Que l’objectif soit d’améliorer les résultats scolaires, d’accroître le bien-être social ou de soutenir la résilience économique, les initiatives intergénérationnelles créent des possibilités de liens significatifs qui profitent à toutes les parties concernées (Giraudeau et Bailly, 2019). 

Ces PIG, comme celui de Woodland, sont ancrés dans l’approche de la durée de vie d’Erikson (Erikson, 1963) et dans la théorie du contact d’Allport (Allport, 1954). Erikson a mis l’accent sur les avantages mutuels des relations entre les enfants et les personnes âgées, en soulignant comment leurs besoins de développement parallèles créent une interaction unique. Ce concept, souvent observé dans les familles proches, peut être reproduit dans les modèles sociaux afin de favoriser des liens significatifs. La théorie du contact d’Allport suggère que les interactions entre différents groupes, comme les générations, réduisent les attitudes négatives et encouragent les changements positifs. Ces théories guident la conception des programmes intergénérationnels, en proposant des stratégies pour des activités efficaces, la programmation et la formation du personnel, qui visent toutes à promouvoir l’apprentissage, à réduire l’isolement et à développer l’empathie entre les générations. 

Avantages mutuels 

Le programme a eu une incidence profonde sur les élèves et les personnes âgées. Au fur et à mesure que le PGI s’est transformé en visites hebdomadaires, la variété des activités a également évolué, des arts et de l’artisanat aux cordes à sauter, en passant par le mini-golf et le yoga.  

« Nous avons même des résidents qui s’essaient à la corde à danser, explique Mme LeDrew. Nous avons installé un mini-golf, et parfois ils font du yoga ou de la musculation s’ils en ont envie. Les enfants aident les résidents moins mobiles en allant chercher des balles ou en les aidant à tenir un bâton de golf. » 

Verna, grand-mère et arrière-grand-mère âgée de 81 ans, s’illumine lorsqu’elle parle de l’attente impatiente de ces visites.  

« J’avais hâte que les enfants viennent, parce que j’étais dans une maison de retraite et que mes petits-enfants et arrière-petits-enfants me manquaient. J’ai pensé que c’était une bonne occasion pour les enfants de venir. J’étais très enthousiaste, confie Verna. Dès que les petits garçons entrent et m’aperçoivent, ils me disent, “Viens, on va jouer au mini-golf ou au lancer de poches”. Ils ne me laissent pas m’asseoir et colorier. Je dois être active, mais j’adore ça. » 

Pour Beryl, 71 ans, qui vit à Kingsway Living depuis 9 mois et qui est toujours « en mouvement », le programme lui a offert un moyen de se connecter aux autres. « Je suis venue voir de quoi il s’agissait, dit-elle. Comme l’a dit Verna, vous êtes loin de chez vous, vos enfants, vos petits-enfants vous manquent… et c’est un moyen pour nous de connecter. Il ne s’agit pas de remplacer personne, mais de créer des liens. » 

Une leçon de connexion 

L’incidence sur les élèves a été profonde, car les séances ne se limitent pas à l’activité physique; elles permettent également de créer des liens.  

« Les enfants créent naturellement des liens, explique Mme LeDrew. Nos enfants qui ont le plus de difficultés dans d’autres domaines, comme les études et le comportement, tout cela est résolu dès qu’ils franchissent la porte de l’école. 

Mme LeDrew mentionne un enfant qui a parfois eu du mal à jouer avec ses pairs ou à créer des cercles sociaux durables. 

« Il est venu me voir il y a deux semaines et m’a dit qu’il avait passé une excellente journée. Quand il est revenu, je lui ai demandé ce qu’il en avait pensé. Il m’a répondu : “Madame LeDrew, j’irais là-bas n’importe quel jour avant même d’aller chez mon meilleur ami.” Pour lui, c’est une véritable conviction. Là-bas, il se sent désiré, aimé, entouré et utile. Il a vraiment l’impression d’y être à sa place, vous comprenez ? » 

Le programme bouscule également les idées reçues sur le vieillissement. Il est facile pour les enfants d’imaginer que les résidents de Kingsway ont toujours été tels qu’ils sont aujourd’hui, vivant tranquillement dans le foyer, leur passé restant un mystère. Mais selon Mme LeDrew, un moment a complètement changé cette perception. Un jeune garçon qui jouait au hockey a rencontré un pensionnaire qui lui a dit en toute décontraction : « Je fais partie du Temple de la renommée du hockey ». Incrédule, le garçon insiste sur le fait que ce n’est pas possible, ce à quoi l’homme répond : « J’ai la preuve dans ma chambre. Viens voir! » Cette rencontre a ouvert les yeux du garçon sur les vies riches et accomplies que les résidents avaient menées avant de venir à Kingsway. Un autre résident a raconté son service dans les forces armées, relatant des moments de bravoure et de détermination. Ces échanges ne suscitent pas seulement l’émerveillement des enfants, explique Mme LeDrew, mais ils renforcent aussi leur empathie et leur respect.  

Les élèves attendent désormais avec impatience leurs visites.  

« Tous les matins, ils demandent : “Combien de jours encore avant d’arriver à Kingsway?”, raconte Mme LeDrew. C’est devenu une partie tellement importante de leur vie. Il s’agit de créer des liens, et ces liens n’ont pas de prix. » 

Le point de vue d’un enseignant 

Enseignante depuis 15 ans et à l’école primaire de Woodland depuis 7 ans, Mme LeDrew met l’accent sur les objectifs éducatifs plus larges du programme.  

« Le gouvernement dicte ce que nous enseignons, mais il veut aussi que nous apprenions aux élèves à devenir des citoyens du monde… des êtres humains empathiques, bienveillants, compatissants, capables de tisser des liens et d’interagir avec les autres », explique-t-elle. Je dis toujours aux gens que c’est ce qui compte le plus. Au bout du compte, sont-ils capables d’établir un lien avec quelqu’un? Peuvent-ils comprendre les émotions des autres? Peuvent-ils avoir de véritables conversations? Peuvent-ils faire preuve de compassion? Honnêtement, pour moi, c’est la plus belle chose que j’aie jamais enseignée. Rien d’autre ne peut leur être transmis avec autant de force dans les moments qu’ils vivent ici. Il n’y a pas de manuel, pas de guide pédagogique, rien qui puisse leur apprendre autant que ce programme. » 

Bien que la proximité de la maison de retraite avec Woodland rende le programme facile d’un point de vue logistique, Mme LeDrew reconnaît l’existence d’un obstacle potentiel pour les autres écoles qui n’ont pas la même configuration. Mais elle n’hésite pas à souligner les avantages pratiques du programme, même s’il faut transporter les enfants jusqu’à la résidence. 

« Le coût du transport en autobus peut être une source d’inquiétude [pour les autres écoles qui n’ont pas d’établissement proche à visiter], mais les avantages l’emportent largement sur les dépenses, affirme-t-elle. Il y a beaucoup moins de cas de manque de respect et les améliorations du comportement des élèves et du bien-être émotionnel des élèves et des aînés font que l’investissement en vaut la peine. » 

Ainsi, à Grand Falls-Windsor, un simple escalier est devenu un pont reliant les générations, favorisant l’empathie, la compassion et une joie de vivre partagée. Grâce à l’activité physique et à l’interaction sincère, ce programme s’est transformé en un programme puissant qui enrichit les vies des deux côtés du spectre de l’âge. Grâce à la vision de Mme LeDrew et au soutien de la subvention d’Équipe Canada pour la Journée olympique, Woodland Primary et Kingsway Living sont devenus plus que de simples voisins.  

About the Author(s) / A propos de(s) l'auteur(s)

Paula Baker, M.Sc., est la rédactrice en chef du SIRC. À ce titre, elle sappuie sur ses 20 ans dexpérience en tant que journaliste et ancienne physiologiste de lexercice pour apporter à nos lecteurs la recherche et les connaissances en matière de sport, ainsi que des histoires dintérêt humain.  

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