Dans le monde compétitif du sport, les athlètes repoussent continuellement leurs limites à la recherche de l’excellence. Les athlètes de haut niveau qui s’entraînent pour des événements tels que les Jeux olympiques et paralympiques sont confrontés à des facteurs de stress uniques tout au long du cycle de quatre ans, qu’il s’agisse de la pression de la compétition, du « blues » post-Jeux ou de l’incertitude quant aux cycles à venir (Henriksen et coll., 2020). Par conséquent, les athlètes de haut niveau, bien qu’ils soient perçus comme étant en bonne santé et en bonne condition physique, sont exposés à des problèmes de santé mentale. Par exemple, près de 32 % des athlètes de l’équipe nationale canadienne qui s’entraînent pour les Jeux olympiques d’été de 2020 ont signalé des symptômes de dépression, tandis que 19 % ont signalé des symptômes d’anxiété générale modérée à grave (Poucher et coll., 2021).
Des ressources telles que Plan de match, le programme canadien de bien-être des athlètes, fournissent aux athlètes de haut niveau des outils pour favoriser leur développement personnel, éducatif et professionnel à long terme, dans le cadre du sport et au-delà, y compris un soutien en matière de santé mentale. Cependant, malgré la disponibilité de ressources comme Plan de match, leur utilisation reste limitée, seuls quelques athlètes y ayant accès (Brassard et coll., 2022; Kola-Palmer et coll., 2020; Kraus et Tibbets, 2022). Il est essentiel de comprendre et d’aborder les facteurs qui influencent la volonté et la capacité d’un athlète à demander de l’aide pour soutenir efficacement les besoins des athlètes de haut niveau en matière de santé mentale.
Qu’est-ce qui empêche les athlètes de demander de l’aide?
La stigmatisation de la santé mentale (croyances négatives et souvent injustes associées à la santé mentale) est considérée comme un obstacle récurrent à la recherche d’aide chez les athlètes. Les athlètes peuvent craindre le jugement des autres (King et coll., 2023)ou se sentir obligés d’« être forts » et de « gérer les choses » par eux-mêmes (O’Keeffe et coll., 2022).
De même, les normes culturelles, c’est-à-dire les comportements, valeurs, croyances et pratiques partagés, acceptés et attendus au sein d’un groupe, peuvent également constituer un obstacle à la recherche d’aide. Certains athlètes décrivent le fait d’être traités comme des « machines » (Habeeb et coll., 2022). Ils ressentent donc le besoin d’être forts et de ne montrer aucun signe de vulnérabilité (Miller et coll., 2023). La pression exercée sur les athlètes pour qu’ils se conforment à des idéaux durs peut donc les empêcher de demander de l’aide (Wood et coll., 2017). De même, la peur du jugement des pairs, comme le fait d’être perçus comme faibles s’ils recherchent un soutien psychologique, et les sentiments d’embarras, sont mis en évidence dans plusieurs études (Delenardo et Terrion, 2014; Gulliver et coll., 2012; Lopez et Levy, 2013).. Cette peur d’être considéré comme un athlète faible pourrait être une conséquence possible de la stigmatisation dans le sport (Wood et coll., 2017).
Un autre obstacle important est le manque d’éducation et de connaissances en matière de santé mentale au sein de la communauté sportive. Il s’agit notamment des difficultés à reconnaître les symptômes de santé mentale et à accéder aux ressources disponibles (King et coll., 2023) ou la méconnaissance des services de soutien, ce qui empêche l’athlète de chercher de l’aide de manière efficace (O’Keeffe et coll., 2022). Par exemple, certains athlètes déclarent devoir faire des efforts physiques constants pour leur sport et ont donc du mal à distinguer la fatigue due à l’épuisement physique de celle causée par l’anxiété ou les symptômes dépressifs (Delenardo et Terrion, 2014; Gulliver et coll., 2012). Les sportifs confrontés à de tels défis peuvent avoir du mal à savoir quand demander de l’aide, surtout s’ils ne connaissent pas les services de soutien disponibles.
Le manque d’éducation et de connaissances en matière de santé mentale peut être lié à l’accessibilité de la santé mentale ou du soutien psychologique, des soins ou de la thérapie. Les principaux obstacles liés à l’accessibilité sont le coût, le manque de temps et le manque de connaissances sur les ressources en matière de santé mentale. Les athlètes de haut niveau s’investissent énormément dans l’entraînement, ce qui peut contribuer non seulement à limiter les sources de revenus, rendant le maintien des services de santé mentale financièrement difficile, mais aussi à limiter les contraintes de temps (O’Keeffe et coll., 2022). En outre, la recherche montre que de nombreux athlètes ne savent pas où trouver de l’aide (Miller et coll., 2023).
Comment pouvons-nous encourager les athlètes à demander de l’aide s’ils en ont besoin?
La normalisation des conversations sur la santé mentale est essentielle pour réduire la stigmatisation associée à la santé mentale. Les athlètes ont souligné l’impact des plateformes en ligne, où le partage d’expériences réduit le sentiment d’isolement et accroît la sensibilisation (Miller et coll., 2023). Les modèles au sein de la communauté sportive jouent également un rôle important dans la normalisation des discussions sur la santé mentale. Des athlètes de renom tels que Simone Biles, Michael Phelps, Bianca Andreescu et Kelsey Mitchell, qui parlent ouvertement de leurs difficultés, encouragent les autres à demander de l’aide sans craindre d’être (King et coll., 2023; Miller et coll., 2023). Les campagnes médiatiques amplifient encore ce message, en brisant les tabous et en encourageant les athlètes à prendre en charge leur bien-être mental (King et coll., 2023).
En outre, les initiatives éducatives peuvent fournir aux athlètes les connaissances et les outils nécessaires pour faire face aux complexités de la santé mentale. Il s’agit notamment d’efforts organisés et structurés visant à fournir des informations, des connaissances et des ressources aux personnes et aux communautés dans le but de les sensibiliser aux questions de santé mentale, d’améliorer leurs connaissances en la matière et de promouvoir un bien-être mental positif. Dans une étude, les athlètes ont souligné l’importance d’une exposition précoce au soutien en matière de santé mentale, suggérant que de telles initiatives pourraient jeter des bases solides pour de futurs comportements de recherche d’aide (King et coll., 2023). En Irlande, un programme exemplaire offre aux jockeys un soutien gratuit en sciences du sport, y compris des consultations en santé mentale, ce qui permet aux athlètes d’acquérir des connaissances essentielles en matière de santé mentale (King et coll., 2023). Les interventions éducatives telles que les présentations, les vidéos et les pages web ont également montré un effet positif sur la stigmatisation liée à la santé mentale (Gulliver et coll., 2012; Kern et coll., 2017).
Enfin, les réseaux de soutien social, c’est-à-dire une personne ou un groupe de personnes avec lesquelles un individu entretient divers liens sociaux et relations, jouent un rôle crucial dans la recherche d’aide. Par exemple, une étude a montré que lorsque les athlètes savent que leurs coéquipiers ou leurs pairs recherchent un soutien en matière de santé mentale, ils sont plus susceptibles de demander de l’aide pour eux-mêmes (Kola-Palmer et coll., 2020). Les relations entre l’entraîneur et l’athlète sont également un facteur important dans la probabilité qu’un athlète demande de l’aide. Les entraîneurs qui favorisent la confiance et la compréhension jouent un rôle essentiel en encourageant les athlètes à demander de l’aide lorsqu’ils en ont besoin (Habeeb et coll., 2022). Toutefois, ce sont les membres de la famille qui peuvent exercer la plus grande influence. Par exemple, des recherches ont montré que les athlètes sont plus enclins à demander de l’aide lorsqu’ils sont recommandés par un membre de leur famille plutôt que par un entraîneur ou un coéquipier (Wahto et coll., 2016).
Recommandations pratiques pour les organisations sportives et les administrateurs
- Mettre en évidence les ressources disponibles : S’assurer que les athlètes de haut niveau connaissent les ressources qui sont à leur disposition au Canada, comme Plan de match, À nous le podium, la Stratégie en matière de santé mentale pour le sport de haut niveau au Canada, etc. (Durand-Bush et Van Slingerland, 2021), et le Centre canadien de la santé mentale et du sport (CCSMS).
- Cultiver une culture de soutien : Créer et favoriser une culture dans laquelle les athlètes se sentent à l’aise pour aborder ouvertement leurs problèmes de santé mentale sans craindre d’être jugés. Donner la priorité à la déstigmatisation des comportements de recherche d’aide et du processus de recherche de soutien auprès des professionnels de la santé mentale au sein de la communauté sportive.
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- En favorisant la communication : Encourager un dialogue ouvert et une écoute active entre les athlètes, les entraîneurs et les membres du personnel afin de créer un environnement favorable où la santé mentale est considérée comme faisant partie intégrante du bien-être général.
- En mettant en œuvre des initiatives telles que des programmes de soutien par les pairs, des campagnes de sensibilisation à la santé mentale et des contrôles réguliers pour renforcer l’importance de la santé mentale et promouvoir une culture de soins et de compréhension.
- Mettre en œuvre des stratégies globales de santé et de bien-être : Élaborer et inclure des plans de santé mentale parallèlement aux plans physiques et nutritionnels des athlètes afin de donner la priorité au bien-être général. Ces plans doivent comprendre des évaluations régulières de l’état de santé mentale, des interventions personnalisées et un soutien continu adapté aux besoins individuels de chaque athlète. Il pourrait être utile d’établir des protocoles de communication et de collaboration entre les professionnels de la santé mentale, les entraîneurs et les autres membres de l’équipe de soutien de l’athlète afin d’assurer la coordination des soins et la mise en œuvre efficace des stratégies de bien-être.
- Sensibiliser le réseau de soutien des athlètes : Sensibiliser les entraîneurs, le personnel d’encadrement et les membres de la famille à la santé mentale afin de leur donner les connaissances nécessaires pour identifier les problèmes potentiels de santé mentale. En outre, leur donner les compétences nécessaires pour orienter les athlètes de haut niveau vers les services de santé mentale appropriés tout en leur offrant un soutien de base continu.
Conclusion
Bien que les athlètes sont reconnaissants du soutien psychologique qu’ils reçoivent, des obstacles importants tels que la stigmatisation, le manque de connaissances en matière de santé mentale, les contraintes de temps et d’accès continuent d’entraver leur utilisation des ressources. Pour résoudre ces problèmes, il faut adopter une approche à multiples facettes comprenant un accès rapide aux services, des initiatives éducatives et des changements culturels dans les milieux sportifs afin de favoriser une atmosphère plus propice à la recherche d’aide en matière de santé mentale.